A travers le pupitre, nous avons vu que Monsieur Consigny avait un parcours très divers. La question s’est posée de savoir comment son expérience dans les médias influençait sa carrière de journaliste et inversement.

Monsieur Consigny n’a pas vocation à faire une carrière médiatique. Sa véritable passion est son métier d’avocat. Cependant, il souligne que le fait d’être médiatisé facilite beaucoup les démarches dans le monde du travail. Et c’est notamment le cas en étant avocat. La notoriété de Charles Consigny lui permet de débuter sa carrière en court-circuitant le long cheminement qui permet aux jeunes avocats d’acquérir une réputation.

En parallèle, il dit être conscient d’une certaine superficialité de la médiatisation. Il souligne le rôle social de son métier d’avocat, qu’il voit comme un maillon pour qu’une société soit équilibrée.

Nous avons évoqué le rôle déontologique des journalistes suite à l’affaire Médiapart. Charles Consigny s’interroge sur le rôle des journalistes et leur droit ou non de révéler des enregistrements. Il ne pense pas que ce soit leur rôle de donner des preuves accablantes sur des gens sujets à des enquêtes. Cependant, le parquet n’avait pas à aller perquisitionner les locaux du journal de Médiapart.

Nous avons ensuite parlé les polémiques auxquelles Charles Consigny est souvent rattaché. Il a affirmé ne pas être spécialement rechercher à créer des polémiques et les perçoit d’ailleurs davantage comme des débats houleux. Il loue les émissions, comme celle de Frédéric Taddeï « Ce soir (ou jamais !) » à l’époque, où de nombreux courants de pensée y étaient représentés. C’est cela le rôle des médias, d’organiser le pluralisme des idées. C’est donc dans cette optique que Charles Consigny parfois provoque certaines discussions.

Il est revenu d’abord sur sa discussion avec Muriel Robin dont il dit que la colère était irrationnelle, puis sur son débat certes vif mais respectueux avec Bernard Henri Lévi. Ce dernier voit dans le mouvement des gilets jaunes les prémices d’un mouvement fasciste qu’il dénonce et mène un combat médiatique et politique pour l’Europe. Charles Consigny lui avait fait remarquer que compte tenu de l’image qu’il renvoie, il dessert peut-être sa propre cause en voulant convaincre lui-même les gens.

Il ne cherche pas le clash pour le clash.

Suite à une question sur son livre, L’Age tendre, écrit à l’âge de 23 ans, dans laquelle il écrit que sa génération est celle du « post-désenchantement », Charles Consigny soutient que l’on vit dans une période inquiétante, quelques soient les angles par laquelle on la regarde : par exemple, le gouvernement fait passer des lois liberticides (loi anticasseur) à l’Assemblée Nationale. Il trouve que les gens qui sont experts, qui ont des vrais avis sur les questions cruciales ne sont pas assez consultés ou plutôt écoutés.

Il y a, selon lui, un danger d’autoritarisme chez Macron qui est inquiétant, qui n’est pas sans rappeler la vague bleue (cf Marine Le Pen) qui a pris la France aux dernières élections. Si Macron continue sur cette lancée, Marine Le Pen gagnera les prochaines élections.

Charles Consigny se range davantage du côté des gilets jaunes pour ce qui est des bavures policières lors de l’encadrement des manifestations.

Il affirme avoir, en tant qu’avocat, des clients qui sont des gilets jaunes. Il voit donc de près comment la justice les traite et se désole du manque d’égalité face à la justice, de la quasi impunité des policiers.

La police a tiré, parfois sciemment aux visages de certains manifestants.

Les gilets jaunes n’ont pas le droit d’être violent et Charles Consigny ne reproche pas les pénalités qu’ils reçoivent mais il souhaiterait que cela soit la même chose du côté des forces de l’ordre. Bien qu’ils aient le monopole de la violence légitime, les bavures policières sont inacceptables quand elles sont volontaires.

Il déplore le manque de sanction de la justice face à ces comportements. Le seul cas de policier faisant l’objet d’une enquête de la justice montre qu’il n’a pas été placé en détention alors qu’à l’inverse, ce sont des comparutions immédiates pour les manifestants qui se soldent souvent par de la prison ferme, souvent lors de procès fallacieux où les mauvais textes sont invoqués. Les manifestants deviennent des délinquants aux yeux de la justice, et cela criminalise la lutte sociale, en empêchant alors les gens de porter des revendications, ce qui reste en réalité un droit.

Charles Consigny souligne qu’il n’y a pas de réformes de fonds engagées pour répondre au mouvement et déplore cette unique réponse par l’ordre qui annihile le dialogue entre les classes sociales. Il caricature la situation en décrivant des énarques quadragénaires de la classe dominante, encore enfiévrés d’avoir pris le pouvoir (LREM), adoucis par le confort dans lequel cela les a mis, qui se cabrent devant cette révolte populaire.

Le lancement du grand débat est en effet une bonne solution selon Charles Consigny. Sur le principe, il y est favorable. Mais cela sera-t-il suffisant pour retisser le lien social rompu ?

Ce qu’il craint, c’est que nous allons surement encore en sortir avec des hausses d’impôts alors même que la contestation est partie de ce point précis (taxe sur les carburants). Cette solution viendrait encore davantage mettre la pression sur les classes moyennes qui supportent déjà de lourdes charges.

Charles Consigny constate que la France est clivée, et qu’il y a un décrochement des gens riches par rapport reste de la population. Le creusement des inégalités est indéniable et cela est dû à cette théorie de la mondialisation qui s’applique depuis des années. Est-il encore possible de fédérer tout ce monde ? La campagne présidentielle a eu ce rôle fédérateur. Le libéralisme a cet aspect très fédérateur (exemple d’Uber qui donne du travail aux gens).

Ce n’est pas avec les plans banlieues, les milieux associatifs ou par déversement d’argent public sur les territoires que l’on va pouvoir recréer du lien social. C’est seulement grâce à une économie prospère que l’on apaisera les ressentiments.

Sur ce même thème d’une fracture sociale, nous avons évoqué l’écart qui se creusait entre les médias et la population. Charles Consigny critique la paranoïa existante chez les lecteurs. Les gens, intoxiqués par beaucoup d’infos, fantasment sur ces choses qui n’existent pas. Les journalistes sont accusés à tort d’appartenir à la classe dominante, riches et sont attaqués comme tel.

Mais il dénonce également les médias qui cachent et oriente la vérité pour servir leurs intérêts. Il prend l’exemple de Raphael Glucksmann, portant un manteau « Canada Goose » lors d’une manifestation gilet jaune, marque qui a été gommée lorsqu’une photo de lui a été mise en couverture d’un journal. Pour Charles Consigny, ces détails sont très significatifs et devraient apparaître. Cela permet de savoir d’où il parle, quelle est sa légitimité.

A la question sur la force de l’opposition dans le débat politique, Charles Consigny déplore une faible mobilisation ou unité de l’opposition. Il détaille toutes les personnalités phares qui constituent l’opposition en montrant qu’il n’y voit pas un seul discours qui puissent fédérer une grande frange de la population. Les Républicains par exemple, qui sont encore aujourd’hui sur des sujets tels que l’avortement, le mariage gay, etc ont, pour lui, un pied dans le passé. Ce qu’on attend de la droite, c’est un discours sur la récompense du mérité individuelle (cf Sarkozy en 2007), un discours ouvertement matérialiste, qui défend la possibilité de pouvoir (dans une certaine mesure) transmettre un patrimoine à ses enfants, payer moins de taxes, etc. Il pense que cela trouvera un fort écho dans la population.

Les autres partis sont arriérés au niveau de leur programme. Charles Consigny prévoit pour l’opposition de faibles scores aux Européennes.

Les partis ne sont par ailleurs pas du tout assez européens. La critique de l’Europe comme peut la faire Marine Le Pen ne rencontre aucun écho dans la population car tout le monde sait que les problèmes ne viennent pas de Bruxelles mais de notre propre pays, qui ne vote pas les bonnes lois comme la rénovation des transports ou de l’hôpital. Le législateur est la cause de nos problèmes. Nos choix nationaux sont mauvais à la différence des choix européens qui ont plutôt tendance à nous aider.

« On ne fera pas l’Europe sans les gilets jaunes », c’est-à-dire qu’il faut d’abord répondre à la souffrance sociale de notre pays, et les élections européennes peuvent être un moyen d’y apporter une solution.

Questions du public :

1/ La remise en cause du système français ne vient-il pas au contraire du fait que nous soyons un pays trop étatiste ?

Il est vrai que l’état prend en charge beaucoup de choses et que d’importantes subventions sont accordées à trop d’associations. Mais le débat de l’importance de l’état dans nos vies n’est pas porteur politiquement, personne ne le remet en cause. Le discours libéral ne peut être compris que si l’on précise bien que l‘on est attaché aux services publics essentiels qui font la France.

2/ N’est-il pas dangereux dans un pays surendetté, qui économiquement ne produit quasiment plus de croissance, de satisfaire autant des gens qui manifestent pour quelques revendications ?

Ils ne manifestent pas pour d’avantage d’impôt, de réglementation, de dépenses publiques, mais moins d’impôt, moins de règlementations et des dépenses publiques mieux réparties. Cette désinvolture avec laquelle on utilise de l’argent public, qui pourrait être mieux employé, c’est ça qui exaspère les gens.

Ce que je soutiens c’est le principe d’une colère face à des abus, une colère dont l’origine est le désarroi de gens qui sont paupérisés, appauvri par le système actuel.

Cette crise ne doit pas déboucher sur un entêtement du système dans lequel on est.

3/ Quel rôle a la presse dans un contexte politique si mouvementé ?

La presse a une importance capitale même si parfois, elle se sent une volonté non pas d’informer mais d’influencer les idées des gens. Il ne s’agit pas de faire de la pédagogie auprès des gens, qui sont très bien capables de comprendre.

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